Pont du Gard – Grille d’expertise patrimoniale

Travail réalisé en groupe dans le cadre du cours de muséologie de Jean Davallon, Avril 2006, Master 1 Culture et Communication, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse

Grille d’expertise patrimoniale

pont autre côté

I.   Introduction 

Notre expertise porte sur le Site du Pont du Gard. Nous avons choisi ce site, dans un premier temps, par curiosité pour découvrir un monument historique d’envergure.
La grille d’expertise nous permettrait d’approfondir nos connaissances sur la patrimonialisation en étudiant un cas récent et réussi d’aménagement d’un site culturel et de voir comment la société de gestion a réussi à concilier intérêts économiques et de mémoire tout en préservant l’esprit du lieu.
Pour la rédaction de ce travail, nous avons décidé de reprendre le plan de la grille d’analyse des objets patrimoniaux, découpée en trois grands axes que sont la mise en communication, la mise en exposition et la mise en exploitation.

Niveau 1 : La mise en communication

A.  Les supports de la mise en communication

1.  L’objet

pont de faceLe Pont du Gard est un vestige de l’époque gallo-romaine en Provence. C’est la partie la mieux conservée de l’aqueduc qui reliait Uzès et Nîmes. Chaque année, le site est fermé à la visite 15 jours en janvier pour maintenance de l’édifice.
Le pont, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité depuis 1985, enjambe le Gardon sur une longueur de 360m et offre à voir un cadre naturel de 165 hectares de paysage méditerranéen. Il est composé de trois étages comprenant respectivement 6, 11 et 47 arches. Ce site est exceptionnel de part sa conservation et son intérêt historique et archéologique. Le site est exploité pour la visite depuis 1996.
Depuis la fin des années 1990, l’édifice est accompagné d’un musée de l’histoire du Pont, d’une ludothèque, d’un cinéma, d’une médiathèque et d’un circuit pédagogique « mémoire de garrigue ».

        2.  Le savoir

 L’aqueduc a été construit entre 38 après Jésus-Christ et 52. C’est un édifice civil visant à apporté l’eau de la source d’Eure située à Uzès jusqu’à Nîmes, grande métropole gallo-romaine.

C’est l’archéologie qui a permis de connaître l’utilité d’origine du monument. Celle-ci est aidée par les nombreuses connaissances sur la période romaine et gallo-romaine, dont nous possédons de nombreuses sources épigraphiques et littéraires. Hormis sa valeur historique et scientifique, le Pont du Gard participe à la mémoire sociale collective de la région et de ses habitants, qui sont fiers de leur passé romain.

B.  Fonctionnalités de la mise en communication

1.  L’accès à l’information

 L’information sur le Pont du Gard se trouve dans la plupart des endroits habituels : syndicats d’initiative (Gard, Pont du Gard, Nîmes, Uzès et Avignon), gare SNCF, hôtels, voyagistes. La signalisation routière est efficace et vaste, de plus le logo des monuments historiques est présent sur tous les panneaux.
De part son importance historique et touristique, le site bénéficie de nombreux supports d’information. De nombreuses publications ont pour sujet l’aqueduc, la télévision lui consacre des reportages. Il y a présence d’encarts publicitaires dans la presse régionale, dans divers dépliants touristiques. Enfin le Site du Pont du Gard édite des dépliants en plusieurs langues (français et anglais, allemand et néerlandais, espagnol et italien, chinois et japonais), et développe un site Internet en français, anglais et chinois.
Le niveau de lecture du dépliant et du site Internet est accessible à tous et la charte graphique se retrouve dans les différents supports de communication ainsi qu’à l’intérieur du musée. Ils jouent beaucoup sur l’iconographie.
Les supports de communication (dépliants et site Internet) reprennent des informations pratiques sur l’accès au site, la visite, les jours et horaires d’ouverture, les différents services à disposition du visiteur (boutiques, restaurant, sanitaires), numéros de téléphone utiles, et des informations culturelles et historiques sur le Pont et le site en lui-même.

2.  L’accès à l’objet patrimonial

 Le Pont du Gard est situé à l’écart des grandes villes de la région et à l’extérieur des villages les plus proches, entre Rémoulins (RN 100) et Vers-Pont-du-Gard (D 81) . L’accès au site ne se fait que par l’accès routier, les gares les plus proches étant Avignon et Nîmes, situées à une vingtaine de kilomètres.

Accueil pont du gardLe site est aménagé depuis 2000 pour la visite avec deux grands parkings des deux côtés du Gardon, un espace y est réservé pour les autocars. Ces aménagements ont été réalisés par Jean-Paul Viguier, architecte lauréat du concours. En suivant la stratégie de protection du site et de la nature environnante, des chemins balisés ont été aménagés permettant une canalisation des visiteurs. L’entrée du site est matérialisée par un panneau de grande envergure, représentant le plan du site.

C’est au visiteur de faire la démarche de rencontrer le personnel du site. L’accès ne nécessite que de payer le forfait parking de 5€ la journée, puis il y a possibilité de faire ou pas les activités proposées par le site (musée, ludothèque, cinéma, services). Il y a une maquette du site située dans le hall de la billetterie, il est à noter qu’elle se trouve dans un endroit excentré et n’attire pas forcément le regard. Tout est en accès libre et nécessite une démarche volontaire de la part du visiteur.

C.  Représentation de l’objet à travers la mise en communication

1.  Mode de contact avec l’objet patrimonial

pont du gard muséeLe monument a une certaine prestance domine le site et subjugue le visiteur. L’aqueduc fait corps avec la nature environnante. L’aménagement muséal, bien que moderne, ne rompt pas avec l’harmonie du lieu. Cependant entrer dans le site c’est pénétrer dans un monde à part, coupé de la civilisation moderne. La route, les immenses parkings ne sont pas visibles de l’intérieur, ni des différents points de vue du site.

2.  Premiers éléments de l’image de l’objet produits par l’information et le contact

 La stratégie de communication du monument est foncièrement didactique. Il est en effet flagrant que les concepteurs ont voulu apporter des connaissances sur l’histoire comme sur l’environnement tout en restant dans un mode d’apprentissage ludique. Ce type de développement est encouragé dans la muséographie moderne, ce qui est évident à la ludothèque où enfants et adultes s’amusent à découvrir les grands thèmes exposés dans le site : la nature, l’eau, l’archéologie, la vie à l’époque romaine.

jeumuséeLa vue du Pont du Gard est l’aboutissement de cette mise en scène puisque c’est après avoir passé l’ensemble muséal, les services, et être entré dans l’environnement naturel méditerranéen, que le visiteur peut enfin apercevoir l’édifice. Une fois sur le monument, le touriste se trouve plongé au cœur de la garrigue en étant en osmose avec la nature.

Niveau 2 : La mise en exposition

 A.  Le fonctionnement de la mise en exposition

 1.  Le degré de médiatisation

 Nous sommes en présence d’une médiatisation qui s’ajoute à l’objet, ainsi un musée de site à été crée, l’environnement du monument a été aménagé avec notamment « mémoire de Garrigue » circuit découverte de la nature. De plus l’objet patrimonial est aussi utilisé comme support temporaire lors de spectacle sons et lumières pendant la saison estivale.

 2.  Composants et organisation de l’exposition

 Le Pont est présenté sans artifices ni aménagements particuliers.
Le musée, en revanche, adopte une scénographie riche, très conceptualisée. Les cartels sont écrits en quatre langues (français, anglais, allemand, espagnol), ce qui facilite la diversité des publics. L’information se veut accessible à tous les publics ce qui influe sur le caractère scientifique du musée.
latrinesLe visiteur est mis en situation par la présence de nombreuses maquettes, reconstitutions et artefacts permettant une immersion dans le monde romain et dans les techniques de construction de l’édifice. Le message reprend des éléments généraux aussi bien qu’anecdotiques, avec l’opposition entre l’histoire de l’Empire romain et les latrines.

La structure muséale est très interactive et nécessite une grande participation du visiteur, qui doit lui-même s’investir pour accéder à l’information. Exemple : boutons lumineux sur les cartes, cartel sombre qui s’éclaire en partie selon la volonté du visiteur… Le support numérique est utilisé fréquemment à la fois comme média d’information et comme média d’illustration.
construction pont du gardLa muséographie suit un cheminement en trois grandes parties avec une séparation marquée entre les différents espaces, le fil conducteur restant toujours l’eau. Premièrement, le visiteur découvre la romanisation de la région et l’utilisation de l’eau dans la vie romaine. Ensuite le chantier du Pont du Gard est reconstitué et expliqué. Enfin, les autres aqueducs romains à travers l’Empire sont présentés.

mur d'écransL’aménagement du musée intègre différents dispositifs de mise en scène, tel que des colonnades romaines, des murs d’écrans, des tentures imprimées, des fresques, ainsi que des espaces d’écoute pouvant également servir d’espace de repos. En effet les sons et les jeux de lumière sont omniprésents tout au long de la visite : projection, néons noirs, jeu de miroir, bruits d’eau, bribes de conversations…

 3.  Modalités de visites

 L’esplanade desservant l’accueil, l’ensemble muséal ainsi que les différents services constitue un premier espace de transition avant la découverte du pont, transition accentuée par la traversée de la garrigue.  Il y a un hall distribuant les quatre grands espaces de découverte, reprenant les codes couleur présents dans tous les supports de communication.
Le visiteur s’y déplace à pied selon ses envies. Des visites guidées sont possibles, soumis à tarification.

accueil muséeLe pont dégage une impression de monumentalité qui s’impose aux visiteurs. Dans les espaces découvertes, la ludothèque, symbolisée par la couleur jaune, donne une impression de gaieté et de dynamisme approprié au monde des enfants. Le musée, en rouge, reprenant la couleur du laticlave sénatorial, est un espace vivant grâce à l’apport des sons et ses images, ainsi que par la nécessité d’agir sur les éléments scénographiques.
Enfin, le parcours « Mémoires de Garrigue » est en vert, rappelant ici l’olivier et la nature dans laquelle le visiteur est plongé lors de sa visite.

 B.  La stratégie de mise en exposition

 1.  Les objectifs de la médiatisation

La médiatisation de l’objet s’effectue à plusieurs niveaux : informationnelle, esthétique et ludique. En effet, l’objectif premier du musée est pédagogique, il s’agit d’apporter aux visiteurs un savoir et des connaissances autour de la construction et de son histoire. Pour cela, la muséographie utilise des techniques esthétiques et ludiques, en provoquant des émotions et du plaisir au public qui apprend tout en se distrayant.

 2.  le concept de médiatisation

plan pont du gardLe Site du Pont du Gard, suite à son aménagement, a opté pour une charte graphique très précise qu’il s’efforce de faire apparaître clairement dans tous les supports de communication et d’exposition (code couleur, police, visuel, fond vert). Outre la charte graphique, ce sont les thèmes abordés qui rappellent la stratégie de développement du site.
Grâce aux deux boutiques présentes sur le site, le visiteur peut repartir avec des guides en différentes langues, des cartes postales, des objets souvenirs, des objets provençaux, des gadgets…

Le site permet aux visiteurs de passer une journée de détente dans un environnement calme et luxuriant. Les photographies ne sont interdites qu’à l’intérieur des espaces découvertes, ce qui laisse libre cours au talent artistique des visiteurs dans les autres lieux.

Niveau 3 : La mise en exploitation

 A.  Les composantes de la mise en exploitation

 1.  La vente du service

 L’accès à l’objet patrimonial est gratuit moyennant un forfait journalier de 5€ par véhicule. Sur place, la logistique d’accueil du site dispose de deux parkings (rive droite, rive gauche), de point phone, sanitaires, d’espaces de repos, de deux boutiques de souvenirs, une cafétéria, deux restaurants, et deux vendeurs de glace ambulants.

 Tarifs

Musée

6€

Ciné

3€

Ludo

4,50€

Mémoires de Garrigue

Entrée libre (livret guide 4€)

Visite guidée

5€

 Il existe en plus des forfaits à la journée donnant accès aux espaces de découvertes, le livret « Mémoires de Garrigue » et le parking, ainsi que des tarifs réduits et des tarifs annuels.

 2.  Le rapport à l’environnement

 Le Pont du Gard est le deuxième monument de France le plus visité ce qui a contribué à redynamiser sa région de proximité. Le flux de visiteur est relativement constant augmentant bien entendu pendant les vacances, les week-ends et durant l’été.
Le site lui-même encourage ses visiteurs à se rendre dans les différents sites français classés monuments historiques et aux autres lieux culturels languedociens, qui, en retour, mettent à disposition les divers dépliants et prospectus concernant les activités du Pont du Gard. L’importance du site rejailli sur Castillon du Gard, village médiéval visible depuis le pont, et Uzès et Nîmes, les extrémités d’origine de l’aqueduc.
On peut toutefois supposer qu’une sorte de concurrence s’est installée entre les services de restauration du site et ceux alentours, à nuancer avec la taille réduite du village le plus proche.
Le Pont du Gard est intégré à différents produits touristiques et est donc une étape souvent obligatoire de circuits thématique sur la Provence.

3.  Connaissance du public

 Le Pont du Gard reçoit la visite de plus d’un million de touristes par an[1]. D’après notre étude sur le terrain, nous avons pu observer que le public est majoritairement familial, ou captif, avec essentiellement des scolaires (ou centre aéré) et tour operator insérant l’objet patrimonial dans leur circuit de visite (3ème âge ou étrangers). Les raisons de leur visite sont différentes suivant les groupes, les origines sociales et les âges. N’ayant pas de parcours de visite obligatoire, le Site peut combler chaque attente que se soit pour l’amateur curieux de découvrir, ou les scolaires qui viennent dans un but pédagogique, ou les simple badaud qui vient pour passer un moment de contemplations.
Ces commentaires ne sont pas exhaustifs. Suite au montage d’une nouvelle exposition temporaire, personne n’a pu nous recevoir pour nous fournir des donnés plus précises quand à la nature exacte du visiteur.

 B.  Vers l’économie patrimoniale.

 1.  L’objet patrimonial comme produit

oeuvre d'art pont du gardLe caractère exceptionnel du monument nécessitait un aménagement en vue d’assurer la conservation, de fait, la dimension symbolique du pont est intégrée dans une dimension économique. Comme tout édifice patrimonial, nécessitant une conservation, il a fallu trouver des ressources financières, les subventions n’étant jamais suffisantes. Ainsi une marque a été déposée, le site aménagé, et un système de tarification imposé. L’accent a été mis sur une cohérence entre la mise en communication et le site (thèmes de l’eau, de l’environnement, de la romanisation…). Toutefois, cette nouvelle structure englobant le Pont du Gard ne fait pas l’unanimité et bien souvent les personnes connaissant le pont « avant » regrettent son caractère sauvage et appartenant à tous. Cette remarque est souvent le fruit des locaux qui y voient une intrusion dans leur patrimoine et la venue en masse de touristes est toujours plus ou moins vécu comme une invasion.

 2.  L’entreprise patrimoniale[2].

Depuis le printemps 2003, le Pont du Gard est devenu un EPCC, Etablissement public de coopération culturelle mettant ainsi en relation Etat, élus, socioprofessionnels et scientifiques. Ce mode de gestion a comme originalité d’associé Etat et collectivités locales. Le Site était auparavant géré par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nîmes depuis 1996. L’EPCC Pont du Gard est l’un des premiers créés en France, il confère au Site un statut économique et social équivalent à celui du Louvre et de Versailles. Le Site a choisi une gestion à caractère commercial et industriel commercial, lui permettant une réelle souplesse de gestion notamment des ressources humaines.
L’entretien et la valorisation d’un site d’une telle envergure ne peuvent être assurées par les seules vente de billets d’accès au site. L’autofinancement n’est donc pas envisageable et les subventions sont requises.

II. Conclusion

Après analyse du Site du Pont de Gard, nous avons constaté une cohérence d’ensemble forte entre la communication du Site et l’ensemble muséal, qui se fait grâce à une stratégie d’exploitation pertinente. Cette harmonie est principalement visible à travers la charte graphique, mais ne se fait pas au détriment du génie du lieu. En effet, le pont reste toujours le centre de l’attention du visiteur comme des concepteurs du musée. Le pont est l’élément essentiel du logo et l’apothéose de la visite du touriste. Celui ci vient pour voir le pont et éventuellement pour pratiquer une activité annexe, musée ou restauration par exemple, mais celle-ci restera toujours secondaire.
Cependant, nous avons remarqué quelques éléments qui nous semblent perfectibles. Les cartels et panneaux d’informations sont rédigés avec une police d’écriture trop petite, ne facilitant pas la lecture des publics fragiles, tel que les malvoyants, les personnes âgées, mais aussi les touristes harassés par la découverte de la garrigue. Enfin, pour le confort des visiteurs, il nous semble appréciable d’installer des aires de repos, et notamment sur le sentier menant au pont. De plus dans cette région fortement ensoleillée, les zones d’ombres font cruellement défaut tant sur le parking que dans les espaces de déambulation.

olivier


[1]  2001 : 1 431 600 visiteurs

2004 : 1 145 000 visiteurs pour le Site, et 248 000 visiteurs pour les Espaces muséographiques payants

[2] Ce paragraphe a été rédigé à partir des éléments tirés du dossier de presse « Le Site du Pont, un site emblématique et vivant », 2004.